DECLARATION

DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN

DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME

ET DU CITOYEN

(mi-aout 1789)

Par A. F. PISON DU GALLAND

Membre de l’ASSEMBLÉE NATIONALE

Le titre d’une déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen, détermine exactement son objet. Il ne suffit pas d’exprimer les droits naturels de l’homme, abstraction faite des conventions sociales, il faut exprimer ceux qu’il a comme Citoyen ou Membre d’une Société politique. Comme homme, il a droit à la vie, à la liberté, à la propriété, qui résulte de son travail. Comme Citoyen ou Membre d’une Société politique, il a droit à ce qu’elle existe avec liberté, qu’elle se régisse par de bonnes loix, que ses loix soient fidèlement exécutées, etc.

C’est ainsi que les déclarations de droits publiées en Amérique, et particulièrement celle qui fait partie de la Constitution de Pensilvanie, ont fixé tout-à-la-fois les premiers principes du droit naturel, les principes généraux du régime social, et les principes particuliers des divers établissemens politiques, qui, pouvant atteindre le Citoyen, intéressent ses droits et sa félicité. Elles forment par-là un code moral et politique, non-seulement propre à rapeller le Gouvernement au but de son institution, mais à indiquer et provoquer constamment le degré de perfection dont l’état social peut être susceptible.

Une déclaration de droits, perfectionée et sanctionée par une grande Nation, est peut-être le plus heureux présent que le genre humain puisse recevoir. Elle deviendroit le germe de l’instruction publique. Elle fixeroit les idées sur des principes constans de prospérité générale. Elle asseoiroit les esprits, influeroit sur les caractères, et n’assureroit pas seulement les droits des hommes en préparant de bons établissemens, mais les en feroit jouir dans la concorde et avec toute la plénitude de leurs facultés.

La simplicité doit être le principal caractère d’un ouvrage de ce genre. Tout stile figuré doit en être banni.

Destinée à instruire tous les Citoyens, une déclaration de droits doit être percèptible aux esprits ordinaires, facile à retenir, porter ses preuves avec elle-même, ou n’en présenter que d’évidentes.

 

On doit sur-tout y éviter toute proposition, toute expression même, abstraite ou indéterminée qui fournisse matière à discussion, on puisse se prêter à des conséquences arbitraires.

 

Une méthode exacte est essentielle à la perfection d’une déclaration de droits. Prenant les droits de l’homme, à sa naissance, elle doit les suivre dans l’ordre où ils se développent, à mesure qu’il entre dans l’ordre social et que la société dont il est Membre forme les divers établissemens qui l’intéressent.

 

On est loin de croire d’avoir atteint le but; mais sa difficulté même autorise tous les efforts des Citoyens; est c’est à ce titre, que sont publiés

ARTICLE PREMIER

TOUS les hommes naissent avec un droit égal à la vie, à sa conversation et à la liberté

pleine et entière de leur individu et de toutes les facultés qui le composent. La vie et les facultés de l’homme sont un don qu’il tient de la nature, dont personne, par conséquent, n’a droit de le priver.

 

II.

Ce droit est essentiel, inamissible & inaliénable. Il est absurde de supposer qu’un homme puisse et veuille jamais perdre ou aliéner en tout ou en partie, ni pour aucune portion de temps, sa vie, sa félicité, ni aucun des moyens que la Nature lui a donné pour y pourvoir.

 

Il est plus absurde encore de supposer qu’un homme puisse faire cette aliénation pour un autre, ni pour sa postérité. Toute convention contraire à ce principe, est radicalement nulle comme l’effet de la violence ou de la surprise, sans qu’aucun laps de temps puisse la légitimer.

 

III.

L’inégalité de force ou de moyens que la nature donne à un homme par comparaison à un autre, ne constitue pas une différence de droits. C’est un avantage pour travailler plus efficacement à sa propre félicité, mais sans nuire à l’existence et à la liberté de personne.

Si l’inégalité de moyens constituoit une différence de droits, le foible auroit celui de recourir à la ruse contre le fort. L’existence humaine seroit un cahos horrible de craintes, de violences et de perfidies, destructif de de toute félicité générale et particulière.

 

IV.

L’ordre de la nature, la paix du juste, le remords du méchant, la tradition de nos pères, tout témoigne qu’il existe un Dieu vengeur du crime, et rémunérateur de la justice et de la vertu.

Cette vérité donne un appui immuable, éternel et sacré aux droits de l’homme. La religion étend, fortifie et développe cette vérité féconde, et tout homme de bien doit la professer.

 

V.

La liberté consiste en l’usage plein et illimité de toutes ses facultés, sans nuire à la vie et à un semblable usage des facultés de personne.

 

VI.

Le droit à la vie et à la liberté emportent le droit constant et absolu de les défendre de tous ses moyens et de toute sa force, lors- qu’elles sont attaquées.

 

VII.

Le travail est un exercice de la liberté; la propriété est la conséquence du travail. Ainsi la propriété est un droit inhérent à la liberté elle-même.

 

VIII.

Les échanges, les dons, les conventions enfin sont une suite de la propriété.

 

IX.

La propriété des choses est seule dans le commerce. Ainsi, aucune convention ne peut être exécutée que sur les biens et non sur les personnes, hor les cas spécialement déterminés par la loi, où l’infidélité à un engagement, devient une sorte de délit public.

 

X.

La propriété ne doit empêcher personne de subsister. Ainsi. tout homme doit trouver à vivre par son travail. Tout homme ne pouvant travailler, doit être secouru.

 

XI.

Toute association personnelle, politique ou privée, doit être l’effet du vœu libre et constant des membres qui la composent. Autrement ce seroit un asservissement, non une Société.

 

XII.

L’etat de conquête est un état violent qui ne produit aucun droit, avant sa transformation en ordre social.

 

XIII.

Toute association politique est formée pour la protection égale et commune de la vie, la liberté et la propriété de tous les Membres qui la composent.

Il est absurde de supposer que des êtres intelligens s’associent pour l’avantage des uns au désavantage des autres. Ainsi, toute distinction, toute exception, tout privilège, tout attribut particulier, quel qu’il soit, sont nuls et abusifs, hors le simple tèmoignage de services rendus à la Patrie.

 

XIV

La société est seule juge des Loix ou des des règles qui lui conviennent pour remplir son objet. Ainsi, toutes les Loix doivent être l’ouvrage des Membres de la Société, ou, si elle est trop nombreuse, celui de leurs Représentans librement constitués.

 

XV

Pour que les Représentans n’abusent pas du pouvoir législatif qui leur est confié, ils doivent rentrer dans l’état privé après l’avoir exercé, et la représentation doit être bornée à un temps court et déterminé.

 

XVI

Les Loix doivent être les mêmes pour tous. Toutes doivent avoir un caractère certain et évident d’utilité générale. Les Loix penales doivent être proportionnées aux crimes, douces plutôt que rigoreuses. Elles ne doivent autoriser l"emprisonnement que dans les cas où elles infligent une peine corporelle.

 

XVII.

Le passé n’ayant pu se diriger par des règles qui n"existoient pas, il suit qu’aucune loi ne peut avoir d’effet retroactif.

 

XVIII.

Les loix régulièrement constituées et émanées du corps social, sont d’obligation étroite et littérale pour chaque membre de la société, sans distinction, exception ni restriction.

Elles substitent en pleine vigueur, jusqu’à ce qu’elles soient expressément révoquées, changées ou modifiées dans la même forme prescrite pour leur établissement.

Elles ne peuvent être enfreintes, sans violer le pacte social et livrer justement le réfractaire à toute la force et toute la vindicte publiques.

 

XIX

La défense de l’Etat au-dehors, l’executiondes Loix au-dedans, necessitent l’établissement d’un force publique, soumise elle-même aux Lois qui en déterminent l’établissement et l’étendue.

 

XX.

Quoique la formation des Loix appartienne essentiellement et entièrement au Corps Social, il est avantageux, pour leur execution, que le Pouvroir exécutif, une fois constitué, y soit associé, pour qu’il exécute avec plus de zèle et de fidelité, ce qu’il a spécialement approuvé lui-même.

 

XXI.

L’application des peines prononcées par les Loix, la décision particulière des questions d’intérêt qui s’elèvent entre Citoyens, néces sitent l’établissement d’Officiers judiciaires. Ces Officiers doivent essentiellement avoir la confiance des personnes à qui ils ont à rendre la justice. Ainsi ils doivent être élus par les Peuples de leur ressort, et la Législation doit s’occuper attentivement à former des Candidats dignes de leur confiance.

 

XXII

L’Office du Juge est restreint à la simple application de la Loi; il ne peut la dissimuler, la suppléer, la modifier ni l’éntendre en aucun cas, san prévarication. Là où la Loi se tait, il n’y a délit ni matière à demande: le Juge est sans fonctions comme sans pouvoir.

 

XXIII

La base essentielle de tout jugement est que toute Partie intéressée soit pleinement entendue et reçue à contrédire tout ce qu’on lui oppose. Ainsi, toute pièce doit être produite; toute personne a droit de s’étayer de Conseils; tout accusé a droit à la confrontation personnelle des témoins qui lui sont opposés; tout accusé et tout défendeur ont droit d’en produire à leur décharge. Tout défaillant doit être reçu à purger sa demeure dans un délai déterminé en matière civile, et dans tous les temps en matière criminelle.

 

XXIV.

Dans tous les cas où il écheoit de prononcer une peine, la déclaration spéciale du délit ou de la contravention à la Loi doit précéder l’application de la peine qu’elle prononce.

 

XXV.

La vérification d’un fait étant à la portée de tous les esprits et du ressort de toutes les consciences droites, il est avantageuex à l’égalité sociale, que dans tous les cas où il écheoit de prononcer une peine, la contravention soit reconnue et déclarée par des Jurés on Prudhommes nommés et assermentés par les Juges parmis les Pairs de l’accusé. Il importe à la sûreté des accusés qu’ils puissent facilement recuser les Jurés qui leur seroient justement suspects; qu’ils exercent même des récusations limitées, purement volontaires.

 

XXVI.

Un fait ne pouvant pas être vrai pour un homme intègre et raissonable, et n’être pas vrai pour un autre, les Jurés doivent se réunir à l’unanimité sur le crime ou l’innocence de l’accusé, et exprimer cette unanimité dans leur déclaration.

 

XXVII.

Les Loix doivent strictement prescrire les formes nécessaires pour l’imstruction des Jures et des Juges en tout matière, ainsi que pour donner à leurs actes un caractère légal et authentique.

 

XXVIII.

Tout jugement capital doit être public. L’innocence comme le crime intéressent la Société toute entière.

 

XXIX.

Le pouvoir exécutif étant éminemment chargé de l’exécution des loix, doit pouvoir annuller les Jugemens qui y seroient contraires, mais sans se substituer jamais aux Juges contrevenans, et à la charge de renvoyer à d’autres Juges.

 

XXX.

Les préjugés existans de quelques Peuples, obligent d’exprimer que les peines ne notent que ceux à qui elles sont justement infligées, et qu’il ne doit en rejaillir aucun préjudice pour leurs proches.

 

XXXI.

Tous dépositaires de l’autorité publique, tous Officiers, tous employés, tous préposés du Gouvernement, sans exception, sont institués en faveur de la Société. Nul ne l’est ni ne peut l’être por lui-même ou pour son avantage particulier. Tous sont Mandataires médiats ou immédiats, et serviteurs de la Nation à laquelle ils appartiennent. Tous lui doivent serment et fidélité.

 

XXXII

Nuls Officiers publics ne doivent être institués sans nécessité. Tous doivent recevoir un juste salaire proportionné à l’étendue et à l’importance des services. Le salaire doit cesser avec le service effectif, hors les cas de récompense extraordinaire, ou les retraites déterminées par la Loi.

 

XXXIII.

Aucune profession utile n’emporte dérogeance ou dégradation dans l’estime publique. Tout Citoyen a un droit égal à tous les emplois. La vertu et la plus grande capacité doivent seules déterminer la préférence.

 

XXXIV.

Les Membres de la Société, ou leurs Représentans sonts seuls juges des contributions nécessaires au pouvoir exécutif. Ainsi aucune levée extraordinaire d’hommes, aucune levée de deniers ne peuvent être faites que de leur consentement. Nul homme, outre cela, ne doit être engagé au service public sans consentement particulier; et s’il s’y trouve obligé par son tour ou par la voie du sort, il ne doit être contraint qu’à un remplacement pécuniaire.

XXXV.

Tous établissemens publics étant sujets à s’altérer par relâchement ou par excès, le pouvoir législatif doit constamment les rappeler à leur institution. La prudence exige néanmoins que les grandes réformes politiques ne s’opèrent que pour des causes certaines et évidentes, et avec une solemnité plus étendue que celle de la législature ordinaire.

A Versailles. chez Baudouin, Imprimeur de L’ASSEMBLÉE NATIONALE, Avenue de Saint-Cloud, No. 69.

 

DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME August 26, 1789

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